L’artiste anglais Edward Povey a eu la chance d’attirer l’attention de la BBC et du New York Times au début de sa carrière. Il avait auparavant étudié l’art et la psychologie en Grande-Bretagne, s’était formé dans des musées et avait entretenu des relations avec des artistes établis et des marchands d’art chevronnés à New York, Bruxelles, Paris et Londres.
Les peintures de Povey sont le reflet d’une vie somptueuse mais pleine de défis : un père marin marchand à Londres, des commandes publiques de fresques murales au Pays de Galles, en Angleterre et en Israël, et une assignation à résidence pendant les bombardements lors d’une guerre sous les tropiques. Ses souvenirs ne constituent cependant qu’un cadre pour inventer des organisations de formes et de couleurs. Si l’on se retrouvait face à ses peintures la tête en bas, il se pourrait bien que leurs minces déguisements narratifs ne disparaissent dévoilant alors des qualités fondamentalement abstraites.
Povey est captivé par les problèmes liés à la réalisation d’une image, et on le prend parfois pour un réaliste, mais il met vraiment l’accent sur la vulnérabilité poignante qui sous-tend nos vies de mortels.
Il conçoit ses tableaux durant des mois, en utilisant les perspectives mixtes des premiers retables de la Renaissance, choisis pour leur authenticité. Ainsi, les tables et les sols sont comme mis à plat par rapport à la surface de la toile, au profit du point de fuite de la perspective « cyclopéenne » de Brunelleschi. Cette approche de l’espace, facilement confondue avec l’attitude cubiste, nécessite un processus dans lequel chaque personnage et objet inventé doit appartenir au monde réel puis être photographié sous plusieurs angles. Cela facilite la reconstruction du dessin à partir de la confrontation de points de vue, imitant habilement l’expérience humaine du monde.
Pour les modèles de ses tableaux, il utilise exclusivement des femmes hantées qui portent en elles des émotions complexes. Il trouve en elles la vulnérabilité qui inspire ses créations.
Sa façon d’utiliser la couleur et sa valeur tonale est tout aussi intentionnelle. Il travaille avec les valeurs et les tonalités utilisées par Raphaël dans son retable de la Madone Ansidei de 1505-1507. Ce qui semble être du noir, dans les peintures de Povey, est en réalité un brun riche et mi-violet, et ses blancs sont fait d’un délicat gris-menthe. Cela situe l’ensemble de sa peinture dans un champ de tons moyens qui rappelle les premiers coloristes, dont les tableaux prennent vie par incréments et sont réalisés dans la durée. Cela confirme l’adage selon lequel une œuvre d’art digne de ce nom ne se livre pas aisément, en une seule fois, mais se révèle au fil du temps, à travers l’histoire.
Il peint quotidiennement et même avec sa grande expérience, il conserve l’état d’esprit d’un novice dépourvu à la fois de la garantie des certitudes et des formules. En tant qu’artiste, il peut être décrit à juste titre comme un réaliste émotionnel.
Edward Povey’s BACKGROUND AND PROCESS
By Jean-François Ferbos
The English artist Edward Povey was fortunate to capture the attention of the BBC and The New York Times early in his career. He had previously gained an education in art and psychology in Britain, studied in museums, and cherished relationships with established artists and veteran art dealers in New York, Brussels, Paris and London.
Povey’s paintings are redolent of a sumptuous yet challenging life involving a merchant seaman father in London; public mural commissions in Wales, England and Israel; and a house arrest through the bombing raids of a war in the tropics. His memories are nonetheless only frameworks for inventing organisations of form and colour. Viewing his paintings in person and upside-down might well remove their thin narrative disguises to reveal fundamentally abstract qualities.
Povey is captivated by the problems of picture-making, and is sometimes mistaken as a Realist, but his true emphasis is the thread of poignant vulnerability that underscores our mortal lives.
He designs his paintings over several months, using the mixed perspectives of early Renaissance altarpieces, chosen for their honesty. Accordingly tables and floors are seen as flat to the surface of the canvas in favour of the fleeting viewpoint of Brunelleschi’s cyclopean perspective. This approach to space, easily confused with the Cubist attitude, requires a process in which every invented figure and object has to be found in the real world and photographed from several angles. This facilitates the rebuilding of the design from opposing views, deftly mimicking the human experience of the world.
For the figures in his paintings he exclusively uses female models who carry a haunted complexity of emotions. In these women he finds the vulnerability that speaks to the motivation in his designs.
His way of using colour and tonal value is similarly intentional. It employs the values and temperatures formulated by Raphael in his Ansidei Madonna Altarpiece of 1505–1507. What appears to be black in Povey’s paintings is cropped down to a rich mid-violet brown, and his whites are a delicate grey-peppermint. This lays his whole painting into a mid-tone valley reminiscent of the first Colourists, whose paintings deliberately wake up by increments and perform over the reach of time. This affirms the adage that a decent work of art does not tip all its treasures into your lap at once, but dispenses them across history.
He paints daily, and despite his experience he maintains the mindset of a novice, stripped of both unwarranted certainty and formula. As an artist he could rightly be described as an Emotional Realist.