Exposition Jean Sabrier au CAPC à Bordeaux
Commissaire de l’exposition : Alice Cavender
Au CAPC à Bordeaux. À ne pas rater! Avec notamment, « Le cristal liquide », une belle approche de la sublimation par Jean Sabrier, tant dans sa dimension chimique que celle du processus pulsionnel en jeu dans un acte de création. La pulsion scopique, qui engage l’œil, métaphorisé ici de manière elliptique (dans les deux sens du terme, avec l’ellipse comme forme géométrique et l’ellipse comme disparition – ce qu’on ne voit pas) par le mazzocchio est également questionnée, entre le voir du « regardeur » et être vu. Quel est donc ce mouvement de transformation qui opère par le truchement d’une évanescence gazeuse, celle d’un cristal liquide? C’est un mouvement qui confine aux frontières de « l’inframince », à tel point qu’on ne le voit pas et qu’il nous échappe. Nous pouvons aussi approcher, avec cette œuvre magistrale, une illustration artistique de la question de l’aphanisis du sujet.
PS : Le mazzocchio est une coiffe de la renaissance que portaient les seigneurs Florentins. Il fut représenté à plusieurs reprises par P. Uccello (« Bataille de San Romano » et « Scènes de la vie de Noé »). L’artiste contemporain Jean Sabrier s’est également penché sur la singularité de cet objet à la géométrie parfaite et énigmatique. Le mazzocchio est un tore qui rassemble en sa forme elliptique un espace vide, une vacuité, soit un seuil, un lieu qui pourrait être celui de la métamorphose. Ce n’est en réalité pas seulement un lieu car il préfigure un mouvement de disparition qui opère précisément en cet espace bordé de figures parallélépipédiques, des carrés agencés dans l’espace. Ce trou bordé est donc le lieu même de la présence évanescente, celui du mouvement constitutif de la sublimation.
Pour ses 50 ans d’existence, le Musée d’Art contemporain de la ville de Bordeaux rend hommage à l’artiste bordelais, Jean-Sabrier.
L’exposition se tiendra du 07 avril 2023 au 24 avril 2024 au CAPC, musée d’art contemporain
7 rue Ferrere 33000 Bordeaux
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h, de 11h à 20h le 2e mercredi du mois Fermé les lundis ou jours fériés, sauf 14 juillet et 15 août.
Vernissage : Jeudi 6 avril – 19h
Portrait de Jean Sabrier par Richard Hamilton : « Jean Sabrier 3.8.98 », 1998. Photo polaroïd.
Artiste autodidacte et touche-à-tout, Jean Sabrier (1951-2020) a développé en quatre décennies une œuvre polymorphe. Son travail subtil et poétique mêle exigence et humour, offrant à celle ou celui qui le regarde une expérience perceptive à la fois jouissive et déstabilisante.
Entouré de ses figures tutélaires avec lesquels il maintient un dialogue constant – les grands maîtres de la perspective de la Renaissance, Piero Della Francesca ou Paolo Uccello, l’inclassable Marcel Duchamp et son alter-ego britannique Richard Hamilton – il expérimente avec les limites de notre champ de vision, dans un détournement constant de notre regard.
Le temps et le mouvement sont au cœur de son travail de sculpture, d’installation, de photographie, d’édition et de peinture. Sa façon d’envisager l’œuvre d’art comme une expérience « totale » et connectée trouve son aboutissement dans ses films d’animation, développés sur les vingt dernières années de sa vie et véritables mises en abyme de l’ensemble de ses recherches et préoccupations artistiques.
C’est à travers cette production protéiforme que Jean Sabrier s’escrime à nous encourager à questionner notre vision et à décentrer notre regard. Dans son laboratoire de représentation des formes, ce bricoleur-scientifique-artisan-érudit-poète-artiste livre au monde une œuvre malicieuse et séduisante, confirmant les mots si justes de son ami Bernard Noël à son égard : « quand elle est bien dirigée, la perception peut aller plus loin que ne va la vue, et là, dans un frémissement extrême, s’épanouit un sentir qui voit ».