Dialogue entre Jean-François Ferbos et Eduardo Bernasconi: Psychanalyse et création

Andamiajes Lacanianos Nómades (Coleccionables)

Résumé (cité dans la vidéo) de : La scène du transfert, un espace de création en mouvement – La escena de la transferencia, un espacio de creación en movimiento, in, (2025), Momento Soury, Opacidades 12.

Quand la relation à l’autre se produit sur « la scène du transfert », que ce soit dans la cure analytique ou dans le cadre d’un contrôle, elle devient une rencontre. La rencontre est ici proposée telle que l’entend Mireille Cifali dans son dernier ouvrage (CIFALI M. 2019) : il y a rencontre « … quand opère une transformation de la vie de ceux qui y sont engagés. ». La parole structurée par le langage et à travers laquelle le sujet se définit d’être divisé, cette parole comme lieu d’une articulation des modalités de la relation à l’autre, sera au centre de nos préoccupations. Il sera donc question de la relation transférentielle et des possibles modalités de transformation et de création qu’elle peut produire. Quel pouvoir de création l’espace de la scène du transfert recèle-t-il ?


When the relationship to the other occurs on « the transference stage  » be it in the psychoanalitic cure or in a control session, it becomes an encounter. Here, the encounter is proposed as defined by M. CIFALI in her last work (CIFALI M. 2019): There is an encounter « … when those who are committed go through a life-changing experiment ». The speech, structured by the language and through which a subject is defined by his subjective splitting, this speech as the place where the terms of the relationship to the other are articulated, will be the focus of our concerns. We will discuss the transferential relationship and the eventual process of transformation and creation. What creative power can be held in the space of the transference stage?

Texte, cité dans la vidéo, sur Deleuze à partir de la lecture de François Zourabichvili (2005, Zourabichvili, F. Approche du couple dedans dehors chez Deleuze. Bogotá/Barranquilla), à propos du désir comme enveloppement du dehors : Seuil n°8 – La métamorphose ou l’écriture de « soie » – huile sur toile (81×100 cm)

ÉCRITURE DE SOIE 2023 –

La théorie du désir selon Deleuze, n’est ni « théorie de la transgression » (Le désir se nourrit de sa propre répression), ni « théorie de la spontanéité » ( le désir comme ressource interne est explosif et doit s’exprimer dans un mouvement du dedans vers le dehors – cf homéostasie des pulsions). Elle s’articule avec les notions de dedans et dehors et il n’est donc pas un mouvement du dedans vers le dehors, une expression de soi. Il est plutôt « un enveloppement du dehors », un geste d’incorporation du dehors afin de faire vivre en soi quelque chose qui n’est pas de soi, faire vivre dans le langage quelque chose qui est autre au langage. Il lui donne donc cette représentation du dehors enveloppé, du dehors dedans. « Le désir est quelque chose qui se construit, la répression ne portait pas comme on le croyait sur des désirs prêts à s’exprimer, mais sur la production du désir, elle consistait à nous masquer que le désir est d’abord productivité, processus de production. » (2005, Zourabichvili, F. Approche du couple dedans dehors chez Deleuze. Bogotá/Barranquilla). La condition du désir, en tant que processus de production, est la rencontre avec de l’autre qui n’est pas soi, donc avec de l’imprévisible, avec ce qui ne se décrète pas à l’avance. La surprise de l’énigme, de ce qui hors du langage nous meut, y trouverait probablement sa place. Il ouvre donc un point de fuite, une déterritorilisation qui nous déplace, nous transforme en devenir, pour une re-territorialisation simultanée dans la rencontre. La notion de mouvement y est centrale et il s’inaugure d’une sorte de violence (neutre) de l’altérité qui vient nous toucher aux points sensibles. « Chez Deleuze, le dehors n’est donc pas tout ce qui n’est pas moi, mais tout ce qui me sort de moi, la limite de ma pensée ou de ma sensibilité pour autant que cette limite elle-même peut me devenir sensible, c’est à dire pour autant que je sais envelopper un dehors. » (Zourabichvili F. ibidem)

Cette toile met en scène ce qui pourrait être considéré comme une métamorphose, du corps certes, mais aussi de manière métaphorique de l’esprit. Cette métamorphose, processus de transformation radicale, évolution, opère en un seuil comme lieu d’une prise de sens. Ce qui s’y joue aussi est une métamorphose de la pulsion vitale tellement ancrée dans le réel d’un corps vibrant.

Une métamorphose, une mutation, est un processus et en ce sens constitue un mouvement. Or le mouvement en soi, lié à des questions d’espace et de temps, ici des questions d’instant à même le vivant, est insaisissable et se caractérise en ce qu’il échappe. Il n’est donc possible que d’en saisir des représentations qui ne peuvent contenir en elles son essence.

Le traitement du drapé, dans cette toile, constitue une tentative d’approcher ce mouvement de transformation. Les plis, en volutes, peut-être gonflées par un souffle, tentent d’en proposer une version, tourmentée mais généreuse.

La technique utilisée est celle de la peinture à l’huile, médium fluide, malléable permettant des illusions de texture, des effets de transparence.

« En se levant un matin après une nuit de rêves inquiétants, Gregor Samsa se découvrit transformé, dans son lit, en un énorme insecte. », F. Kafka in « La Métamorphose ». 1912

La métamorphose du pulsionnel avec « Le réel, dirai-je, c’est le mystère du corps parlant, c’est le mystère de l’inconscient. ». Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 118.

Mireille Cifali citée à plusieurs reprise dans la vidéo : https://mireillecifali.ch/wp/

Elle a mené une carrière universitaire consacrée aux métiers de l’humain et une vie, à l’ouverture d’un regard. Historienne et psychanalyste suisse, elle apporte une contribution majeure à l’épistémologie clinicienne dans les sciences humaines et sociales, en particulier entre démarche artistique et dispositifs de formation. Elle est professeure honoraire de sciences de l’éducation à l’université de Genève. Elle est l’auteure de nombreux ouvrages comme, Le lien éducatif contre-jour psychanalytique, Préserver un lien, Tenir parole, S’engager pour accompagner… et de nombreux articles.

Récemment, est sorti un ouvrage édité chez PURH et auquel j’ai contribué, rendant hommage à son travail : Psychanalyse et éducation, questions à Mireille Cifali.