Le 26 novembre 2019
Mireille Cifali : texte d’introduction
Historienne.
Psychanalyste.
Professeure d’université honoraire de sciences de l’éducation à l’université de Genève.
Études de lettres, d’histoire.
Cursus en Sciences de l’éducation.
Après la rédaction d’un deuxième mémoire en sciences de l’éducation, une rencontre avec l’enseignement de Lacan et une rencontre avec E. Roudinesco que vous qualifiez de nodale (Cifali Mireille, Entretien, par Louis-Marie Bossard, Cliopsy, n° 3, 2010, p. 93-107), vous publiez votre premier article : « Propos sur une pédagogie de la langue maternelle ou l’histoire d’une impasse » en 1976.
Vous rédigez votre thèse en 1979 sous la direction de Michel de Certeau, thèse dont une partie est éditée sous le titre de Freud pédagogue ? Psychanalyse et éducation.
Mme Cifali, nous vous avons contactée, l’an passé, suite à la lecture de votre avant dernier livre, S’engager pour accompagner, valeurs des métiers de la formation, que Brigitte Riéra a judicieusement glissé entre nos mains. En effet, la lecture de votre ouvrage a eu un fort retentissement sur nous et il nous est tout de suite apparu intéressant de recourir à votre travail pour alimenter la réflexion qui nous animait au sujet, par exemple, de l’animation de GAPP, mais plus généralement en matière d’accompagnement dans la formation professionnelle. Il nous a également semblé important que vous puissiez venir à notre rencontre et plus largement à la rencontre des formateurs, afin de profiter et bénéficier de votre présence, de votre voix et de votre enseignement.
Nous avons été très sensibles à votre approche humaniste, vivante, sensible et singulière des métiers de la relation telle que vous la présentez dans vos ouvrages, S’engager pour accompagner, comme je l’ai dit, Préserver un lien, éthiques des métiers de la relation, fraichement publié, mais également dans un ouvrage plus ancien, Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique.
Nous y trouvons un cheminement, une continuité et nous pouvons y toucher votre pensée en train de se dérouler. J’y ai relevé un certain nombre d’éléments forts, déterminants et qui font sens pour un formateur. En voici quelques-uns :
- Métiers de l’humain (1994), métiers de la relation 2018, parlant ainsi de tous les métiers engageant une relation à l’autre orientés par une dimension d’accompagnement et de souci de l’autre : le soin, l’éducation, l’enseignement, la formation par exemple.
- Nature et intensité de la relation : le lien – la relation (confiance) – la rencontre (transformation)
- Dimension clinique : qui redonne une voix à la psychanalyse dans des champs comme l’éducation, la formation, l’enseignement car ces champs-là éprouvent un certain conditionnement de l’injonction à l’objectivité professionnelle. Vous laissez donc la place au sujet qui se sauve de ne pas être un objet.
- Le savoir, comme référent théorique, soumis à la discussion et à la contradiction et le savoir sur soi issu d’une « construction d’un savoir de l’intérieur », non objectivable mais interprétable.
- L’éthique professionnelle, celle qui permet à l’autre, autre de la relation, celle donc qui lui permet de grandir, d’apprendre, qui ne l’entrave pas, ne l’empêche pas.
- L’éthique du lien (un lien qui ne s’impose pas qui a une fin), le sujet éthique, défini par sa « manière d’être professionnellement dans un rapport à soi, à d’autres, au monde. »
- La créativité du sujet.
- L’acceptation et la reconnaissance des émotions mais également des sentiments qui les provoquent.
- L’accueil des corps en présence, notamment par la voix, mais une présence subjective qui signe la part humaine de la relation à l’autre.
- Le tremblement, le vacillement, l’incomplétude dont le dur travail de leur assomption dans une relation d’accompagnement fait nécessité.
- Le seuil, sorte de passage de l’ouverture à l’autre et au monde, un passage de l’intime au professionnel…, le non établi, le mouvant (qui évoquent une certaine « élasticité » du sujet dont parle Vilma Kovacs dans un texte intitulé « Analyse didactique et analyse de contrôle »). etc.
Vous êtes, si vous le permettez, une intellectuelle de la pensée en mouvement, de la pensée vivante du vivant.
Je terminerai ma présentation par deux remarques au sujet de vos ouvrages qui offrent pour ainsi dire une double lecture.
- Vos ouvrages constituent un enseignement, une transmission pour une raison qui me semble essentielle : ils font sens, ils font résonner une actualité vibrante des métiers du vivant et de la relation. À ce titre ils ne vous appartiennent plus, je ne parle pas de droits d’auteur, ils ne vous appartiennent plus car en tant que professionnels nous pouvons nous les approprier, les interpréter (l’interprétation est inévitable) et en faire quelque chose concrètement, professionnellement. Ils sont donc des créations, qui se donnent au regard et à la pensée du « regardeur », pourrions-nous dire en citant Marcel Duchamp.
- Enfin, votre écriture constitue un beau témoignage, avec tout ce que ce terme induit d’engagement du sujet, car nous y trouvons une parole authentique, une écriture dégagée de tout artifice inutile. Par une sorte de mise en abîme, vous mettez en pratique, dans vos écrits, avec votre parole singulière, ce que vous y prescrivez. N’est-ce pas ce que nous pourrions appeler l’éthique d’un enseignement ?
Jean-François Ferbos
Dans le cadre de leur formation à l’accompagnement, un séminaire est proposé aux formateurs académiques de l’académie de Bordeaux dans les locaux de la DAFPEN.
Mireille Cifali, professeure d’université honoraire de Sciences de l’éducation à l’université de Genève, vise à interroger la notion d’accompagnement de professionnels dans l’exercice de leur métier.