Seuil n°8 : La métamorphose ou l’écriture de « soie »

Huile sur toile – 81×100 cm

Juin 2023 – Jean-François Ferbos

Cette toile met en scène ce qui pourrait être considéré comme une métamorphose, du corps certes, mais aussi de manière métaphorique de l’esprit. Cette métamorphose, processus de transformation radicale, évolution, opère en un seuil comme lieu d’une prise de sens. Ce qui s’y joue aussi est une métamorphose de la pulsion vitale tellement ancrée dans le réel d’un corps vibrant.

Une métamorphose, une mutation, est un processus et en ce sens constitue un mouvement. Or le mouvement en soi, lié à des questions d’espace et de temps, ici des questions d’instant à même le vivant, est insaisissable et se caractérise en ce qu’il échappe. Il n’est donc possible que d’en saisir des représentations qui ne peuvent contenir en elles son essence.

Le traitement du drapé, dans cette toile, constitue une tentative d’approcher ce mouvement de transformation. Les plis, en volutes, peut-être gonflées par un souffle, tentent d’en proposer une version, tourmentée mais généreuse.

La technique utilisée est celle de la peinture à l’huile, médium fluide, malléable permettant des illusions de texture, des effets de transparence.

« En se levant un matin après une nuit de rêves inquiétants, Gregor Samsa se découvrit transformé, dans son lit, en un énorme insecte. », F. Kafka in « La Métamorphose ». 1912

La métamorphose du pulsionnel avec « Le réel, dirai-je, c’est le mystère du corps parlant, c’est le mystère de l’inconscient. ». Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 118.

La théorie du désir selon Deleuze, n’est ni « théorie de la transgression » (Le désir se nourrit de sa propre répression), ni « théorie de la spontanéité » ( le désir comme ressource interne est explosif et doit s’exprimer dans un mouvement du dedans vers le dehors – cf homéostasie des pulsions). Elle s’articule avec les notions de dedans et dehors et il n’est donc pas un mouvement du dedans vers le dehors, une expression de soi. Il est plutôt « un enveloppement du dehors », un geste d’incorporation du dehors afin de faire vivre en soi quelque chose qui n’est pas de soi, faire vivre dans le langage quelque chose qui est autre au langage. Il lui donne donc cette représentation du dehors enveloppé, du dehors dedans. « Le désir est quelque chose qui se construit, la répression ne portait pas comme on le croyait sur des désirs prêts à s’exprimer, mais sur la production du désir, elle consistait à nous masquer que le désir est d’abord productivité, processus de production. » (2005, Zourabichvili, F. Approche du couple dedans dehors chez Deleuze. Bogotá/Barranquilla). La condition du désir, en tant que processus de production, est la rencontre avec de l’autre qui n’est pas soi, donc avec de l’imprévisible, avec ce qui ne se décrète pas à l’avance. La surprise de l’énigme, de ce qui hors du langage nous meut, y trouverait probablement sa place. Il ouvre donc un point de fuite, une déterritorilisation qui nous déplace, nous transforme en devenir, pour une re-territorialisation simultanée dans la rencontre. La notion de mouvement y est centrale et il s’inaugure d’une sorte de violence (neutre) de l’altérité qui vient nous toucher aux points sensibles. « Chez Deleuze, le dehors n’est donc pas tout ce qui n’est pas moi, mais tout ce qui me sort de moi, la limite de ma pensée ou de ma sensibilité pour autant que cette limite elle-même peut me devenir sensible, c’est à dire pour autant que je sais envelopper un dehors. » (Zourabichvili F. ibidem)

La métamorphose

COMMENTAIRES DE REGARDEURS

Bonjour
J’aime beaucoup votre œuvre qui représente vraiment bien l’homme nouveau en train de sortir de sa chrysalide.
C’est fort et doux à la fois mais j’aime l’impression de certitude qui en ressort !
Bravo à vous


Bonjour,
Toujours au top !
Puis-je vous poser une petite question si elle n’est pas indiscrète bien évidemment.. !
Quand je lis vos explications sur vos peintures, j’y vois en vous quelqu’un d’interrogatif sur les êtres humains et je me demandais si vous n’étiez pas « psychologue, philosophe ou psychanalyste – ! professionnellement ou dans l’âme. ? Dans tous les cas, vous transcrivez et peignez ce que vous ressentez avec une très grande intelligence et je comprends parfaitement votre ressenti. Toujours bravo….. Très littéraire également ce qui doit contribuer à l’imaginatif de vos toiles.. !